Entretien réalisé par Maallemi youcef
Bonjour Maître Lyès Yala, pouvez-vous nous parler de
votre parcours professionnel ?
Après l’obtention du diplôme d’Ingénieur d’État en Hydrogéologie, j’ai travaillé dans le secteur privé durant vingt longues années. En 2007, j’ai été recruté au sein de la société canadienne SNC Lavalin en qualité d’Ingénieur responsable de terrassements avant de rejoindre pour une très courte durée l’A.N.B.T (l’Agence Nationale des Barrages et Transferts) pour au final rejoindre une autre société privée. Là-bas, j’ai sollicité une mise en disponibilité afin de pouvoir me consacrer amplement au Challenge de 2023.
Qu’est-ce qui vous a intéressé
dans les échecs et qui vous a appris ce jeu ?
J’ai appris à jouer aux échecs à l’âge de 8 ans grâce à un parent, architecte qui jouait régulièrement en solo qui tout en lisant un livre, faisait manœuvrer des pièces sur un échiquier. En observateur dans un premier temps, je passais ensuite à l’action en m’introduisant dans sa chambre pendant son absence pour feuilleter le manuscrit d’échecs en question et ce fut le coup de foudre. Les différents schémas et les trajectoires de chaque pièce m’émerveillaient. Quelques mois seulement après, je le battais aisément. Ce que je trouve de plus intéressant dans ce jeu est que je ne m’en lasse jamais. Des positions changent constamment et avec elles, des analyses et des calculs en perpétuel.
Au début, qui vous a inspiré aux échecs ?
Au fait, l’inspiration m’est venue quelques années plus tard, lorsque j’ai adhéré la toute première fois au Centre Culturel Soviétique (C.C.S) sis Khalifa Boukhalfa à Alger Centre. Dans un silence martien qui régnait la salle de cours, les instructeurs soviétiques très rigoureux dans la besogne nous enseignaient davantage sur ce jeu et sous un angle totalement différent de ce que moi j’avais appris auparavant. Cette inspiration s’est accentuée avec Anatoly Karpov, une véritable légende vivante qui durant la première moitié des années 1980 était le champion incontesté de la planète. Karpov contrairement à certains de ses rivaux affichait toujours un tempérament très calme et cela même dans des moments très difficiles de jeu. Durant une partie décisive , Il n’étale jamais ‘’ses états d’âme’’ sur l’échiquier.
Combien de temps avez-vous
représenté l’Algérie aux tournois d’échecs ?
Particulièrement depuis 2019, je représente l’Algérie à travers des tournois en individuel et à partir de l’année 2022, j’ai représenté mon pays dans 7 événements importants ayant vu l’établissement de nouveaux records dans les pays hôtes. C’est pour moi un grand privilège de pouvoir représenter l’Algérie d’une aussi belle manière.
Parlez-nous de vos succès aux tournois nationaux et internationaux ?
Je participe régulièrement aux tournois nationaux où il m’arrive de réaliser de très bons résultats. Sans oublier que du 20 octobre 2018 au 5 décembre 2021, j’ai disputé 11 simultanées d’échecs dans différents endroits comme l’université de Sciences et de Technologie Houari Boumediene de Bab Ezzouar, l’université Mohamed ben Ahmed, d’Oran les Instituts Cervantès d’Oran et d’Alger, l’Institut Français d’Alger, l’Institut Culturel Italien d’Alger etc. Et cette participation s’étend également à l’international dont récemment je me suis attribué la deuxième place lors de l’Édition internationale Arena d’Alexandrie qui s’est tenue en Egypte du 19 janvier au 25 janvier 2023. Comme l’avoir déjà dit, je me suis spécialisé dans la catégorie simultanées d’échecs et je pense que déja depuis l’année 2022 avoir fait d’excellents résultats, voir historiques.
Quels sont les points forts de
votre carrière ?
Ma carrière suit toujours son chemin de pèlerin et peut être atteindra t-elle son point culminant dans le volet sportif le jour où j’aspire notamment à réaliser un Record Guinness de simultanée d’échecs dont le challenge est prévu en décembre de l’année en cours. L’autre réussite dans ma vie de tous les jours est d’avoir épousé une femme formidable et en ayant 2 merveilleux garçons.
À l’ère de la technologie,
vous préférez les parties en direct ou les échecs sur Internet ?
Les tournois par internet ou ‘’on line’’ sont pour moi une perte de temps, que je peux aisément les reléguer au second rôle de tournois de divertissement. D’ailleurs, je n’ai jamais pris part à un quelconque tournoi ‘’virtuel’’. Toute fois, Ils peuvent constituer de bons supports d’entrainements mais seulement à ‘’domicile’’. Je suis le partisan des tournois en présentiel. Tout le monde est face à son adversaire et il n’y a pas de place pour la virtualité.
Quels sont les acteurs actuels
qui vous influencent le plus ?
Le seul acteur qui exerce une influence sur moi est incontestablement le redoutable Anatoly Karpov, Champion du monde de 1975 à 1985 puis de 1993 a 1999. Son tempérament calme, presque glacial quand il joue déconcentre les plus aguerris de la planète. J’ai eu l’honneur et le privilège de le rencontrer lors du Tournoi International de Sousse en Tunisie en 2019 où il fut invité pour faire une simultanée d’exhibition. J’ai saisi l’occasion pour lui faire part de mon intention d’établir un Record Guinness.
Existe-t-il un adversaire
préféré pour vous, c’est-a-dire un
adversaire que vous ayez jamais affronté ?
Manifestement, Il n’y a pas de préférence pour moi en matière de choix de l’adversaire. Bien sûr, chaque joueur à sa propre idée sur la question. Et en ce qui me concerne, je serai tenté de dire que mon adversaire préféré est celui que j’arriverai à le battre après une lutte acharnée.
Parlez-nous brièvement des
simultanées d’échecs de Cuba, Madagascar, France et Kenya ?
Quand vous ne jouez pas aux
échecs, quelle est votre occupation préférée ?
La lecture. Et plus on lit moins on en sait. Mais mon occupation majeure reste bien entendu de m’occuper de mes enfants et de mon épouse. Celle-ci consent beaucoup d’efforts en me soutenant pour la conquête d’un Record Guinness de simultanée d’échecs.
Comment se déroulent les
préparatifs de vos prochaines simultanées ?
Les préparatifs sont d’ordre entrainements techniques, psychologiques et physiques. Malheureusement, il y a aussi le volet administratif qui prend un large éventail temporel et c’est contre productif. Pour ce qui est de la préparation physique, elle est centrée essentiellement sur l’optimisation de la concentration. De longues marches à pieds d’au moins 5 heures par jour et des exercices de relaxation sont nécessaires et régulièrement pratiquées. Le volet technique prend la part du lion de tout le programme.
Actuellement, je me prépare activement pour la simultanée d’échecs qui se tiendra le 4 mars 2023 à l’université polytechnique de Maputo, la Capitale de Mozambique contre 100 joueurs et c’est pour moi un grand honneur de pouvoir représenter mon pays durant cet événement historique sous le slogan ‘’WORLD CHESS MOZAMBIQUE CHALLENGES’’, le premier du genre entre le Mozambique et l’Algérie. Le Président de la Fédération Mozambicaine des échecs, Monsieur Botão Milton et son Staff Fédéral sont à pieds d’œuvre pour la réussite de cette manifestation qui s’annonce haut en couleurs. Le Président de la Fédération du pays hôte m’accueillera le 02 mars 2023 à mon arrivée à l’Aéroport international de Maputo et m’a assuré également d’une prise en charge totale durant mon séjour au Mozambique. Je tiens à le remercier très vivement pour cette grande considération qu’il témoigne à ma personne.
Avez-vous déjà joué contre un
« tricheur » ?
Malheureusement oui et à chaque fois c’est contraignant car cela me déconcentre énormément. La dernière fois en date remonte récemment lors d’un tournoi individuel à l’étranger. Mon adversaire a carrément triché mais devant l’arbitre il a nié en bloc et a failli réussir son coup si ce n’était l’intervention d’un témoin oculaire qui affirma mes dires et l’arbitre a donné zéro point à cet adversaire tricheur. Ce phénomène prend des proportions plus alarmantes lors des simultanées d’échecs car certains joueurs voulant à tout prix gagner la partie n’hésitent pas à ôter un pion, voir une pièce sauf que ces comportements antisportives sont très vite sanctionnées en lui signalant la position initiale exacte. Forte heureusement, j’assiste de plus en plus aux séances dotées de caméras de surveillance.
Les algériens ne donnent pas
beaucoup d’importance au jeu d’échecs, pourquoi selon vous ?
Les algériens ont une préférence pour le football en général, mais atteindre chez nous un niveau d’intéressement généralisé de la discipline ce n’est certainement pas pour demain. Cela demande en effet une prise de décision aux plus hautes sphères de l’Etat par l’intégration de la discipline comme étant une matière d’enseignement dans des écoles primaires et lui consacrant un budget conséquent pour le suivi et son expansion au niveau des collèges. Faire appel aux entraineurs étrangers qualifiés qui formeront des instructeurs locaux, prendra en charge le volet technique et pédagogique de la discipline sur une décennie au minium. Se faisant, nous aurions franchi un pas important vers la consolidation du jeu d’échecs dans notre société.
Si ce n’est pas un secret,
quels conseils donneriez-vous aux amateurs du jeu d’échecs pour progresser ?
Moi-même j’essaye de progresser pour atteindre un niveau de plus de 2000 Elo. Mais si je puis conseiller en me basant sur mon expérience personnelle est que pour commencer il faut instaurer un programme sur 2 ans en consacrant à raison d’1 heure par jour, adhérer à un club sportif amateur, disputer le plus de tournois possibles, ne pas jouer des parties blitz, et surtout éviter ‘’ d’apprendre le jeu d’échecs mais plutôt de le comprendre’’ Pour booster le niveau de jeu, Il existe de nombreux supports d’enseignement aux échecs notamment sur internet.
Quel est, selon vous, l’avenir
des échecs en Algérie ?
Sur l’échelle continentale, l’Algérie réalise d’excellents résultats. Mais à l’échelle mondiale, il reste beaucoup à faire.
Avez- vous des sponsors pour
votre périple mondial?
Malheureusement après 4 étapes à l’international, les sponsors ne courent toujours pas les rues. Excepté de temps à autres quelques mécènes et / ou partenaires, mais aussi sans compter sur l’aide d’une grande dame connue sur la scène journalistique en la personne de Aouès Saliha. C’est aussi grâce au soutien du Ministre de la Jeunesse et des Sports Monsieur Abderrezak Sebgag que les événements de Cuba et Madagascar aient pu avoir lieu. Et afin de mener à terme mon périple mondial, j’aspire à un accompagnement financier de l’État.
Quel message souhaiteriez-vous
faire passer aux joueurs d’échecs algériens?
De participer aux tournois internationaux chaque fois que l’occasion se présente, de se surpasser dans les moments difficiles afin d’atteindre les objectifs tant espérés, s’armer de patience et ne jamais abandonner car quand on veut réellement on peut certainement.