Interview
réalisée par : Youcef MAALLEMI
Pouvez-vous
nous présenter le club de l’information russo-africain à nos lecteurs?
Dans
un premier temps, je tiens sincèrement à vous remercier pour l'invitation.
Aussi, je profite de l'occasion pour souhaiter longue vie à votre site
d'actualité dédié à l'Afrique – à la promotion du continent africain. Cela dit,
à l'endroit de vos lecteurs. Le Club de l'information russo-africaine dont, je
suis le Président est avant tout une plate forme digitale d'information,
d'analyse, de discussion et de promotion de la coopération entre l'Afrique et
la Fédération de Russie, d'une part et entre l'Afrique et les pays de
l'ex-Union soviétique, d'autre part. Pour l'instant, nous sommes
essentiellement présents sur les réseaux sociaux. Très prochainement, nous
comptons lui donner un statut juridique sous forme d'une Association
internationale, qui participe justement au renforcement à la coopération
multiforme entre les pays africains et la Fédération de Russie y compris avec
les anciennes Républiques de l'Union soviétique.
Comment
se portent les relations politiques entre la Russie et l’Afrique ?
De
mon point de vue, les relations entre l'Afrique
et la Russie se portent bien et ne souffrent d'aucune ambiguïté, ce malgré le
contexte actuel lié à la guerre en Ukraine. A titre de rappel, il convient de
souligner que, la Russie – l'Union soviétique à l'époque était aux origines de
la libération de l'Afrique du « joug colonial ». En effet, l'URSS a été l'un
des principaux initiateurs de l'adoption de la Déclaration sur l'octroi des
indépendances aux pays et aux peuples coloniaux en 1960. L'investissement
soviétique à cette période à été très capital pour la survie des peuples
africains. Pendant cette période justement, dite de guerre froide. Moscou est
parvenu à étendre son réseau diplomatique à la quasi-totalité des pays
africains. Ensuite, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que, les relations
entre la Russie et le continent africain ont des racines profondes. Nous
pouvons par exemple, citer le soutien stratégique de la Russie impériale à
l’Éthiopie durant la guerre italo-éthiopienne de 1895- 1896. Absente depuis
l'éclatement de l'URSS en décembre 1991 pour des raisons multiples, notamment
d'ordre interne. Aujourd'hui, la Fédération de la Russie - héritière de l'Union
soviétique s'est lancée dans un nouveau format de sa coopération avec
l'Afrique. La matérialisation de cette volonté du Kremlin de tisser un nouveau
partenariat avec les pays africains a été, l'organisation en octobre 2019 à
Sotchi du premier sommet Russie-Afrique. Aussi, je tiens à faire remarquer que
les relations entre la Russie et l'Afrique sont basés sur les principes
d'égalité, de respect d'intérêts mutuels, d’interaction sur la scène
internationale conformément aux dispositionS de la Charte des Nations Unies.
Tous comme, la Russie n’interfère pas dans les affaires intérieures des États
africains.
Quelle
est votre analyse sur la visite du Ministre des affaires étrangères de la
fédération de la Russie Serguei Lavror en Afrique?
La
tournée africaine du Chef de la diplomatie russe, me semble t-il, intervient
dans un contexte très particulier certes, mais a pour objectif de maintenir le
dialogue avec les partenaires africains de Moscou, non seulement sur le plan
politique mais également sur de nombreux domaines à un moment où le continent
redevient un enjeu géopolitique entre Washington et Moscou. La lutte
d'influence sur le continent de certaines puissances extérieures a profondément
exacerbé les inimitiés entre ces dernières et les pays africains. On a comme
l'impression que, les occidentaux n'arrivent toujours pas à comprendre que les
temps ont bien changé et qu'il va devoir également changer de paradigme dans
leurs relations avec l'Afrique. Dans ce contexte, la Russie qui n'a aucun
passif colonial envers les africains et qui a conservé un important capital de
sympathie auprès des populations africaines, a le devoir moral de maintenir
cette flamme.
Quelle
est le sort de la France après la visite de Monsieur Lavror en Afrique?
Il
me semble que, la France a très mal négocié sa démarche avec la plupart de ses
partenaires traditionnels africains. Elle est tout simplement victime de son
arrogance, son mépris et de son comportement haineux et belliqueux y compris,
le non respect de certains gouvernements africains, fut-ils de la transition
dans la plupart des cas. Actuellement en perte de vitesse, elle s'est exposée
elle-même à la vindicte populaire. Sa politique africaine de ces dernières
années fait même l'objet de nombreuses critiques au sein de la classe politique
française – aucune initiative audacieuse n'a été proposée pour corriger le tir.
L'argument avancé, est celui de la victimisation d'un sentiment anti-français
en Afrique – ce qui, de mon point de vue ne reflète pas la réalité.
Contrairement aux années antérieures, les français qui vivent et travaillent en
Afrique depuis des années ne sont nullement inquiété, encore moins les intérêts
français. Le problème est donc ailleurs. Pendant très longtemps, la France
était intouchable, imperturbable chez elle – dans ses anciennes colonies. Il
n’y avait aucune concurrence, il fallait obtenir au préalable un accord pour
justement y mettre pied. Elle a cru contrôler la situation même après la fin
des blocs. Associée aux régimes tyranniques et dictatoriaux en Afrique,
incapable de formater son logiciel et d'améliorer ses rapports avec de nombreux
pays du continent. La France en tant que partenaire historique, a encore sa
place en Afrique pourvu qu'elle fasse son auto-critique au lieu de se
substituer en permanence en donneur de leçon.
Est-ce
que avec l’arrivée du groupe russe Wagner en Afrique, la sécurité des citoyens
sera assurée ?
Soyons
clair, certains acteurs et partenaires des pays du Sahel n'ont pas été à la
hauteur de leur mission éradiquée les phénomènes qui gangrènent la sous-région,
malgré les moyens conséquents mis en jeu par les contribuables français et
européens, le terrorisme, les bandes mafieuses et le crime organisé sont
toujours présents. Alors qu’elle ne concernait initialement que le Mali, le
Niger et le Burkina Faso voisins, la menace terroriste s’étend aujourd’hui à
l’ensemble de la région et est devenue un problème pour les pays du Golfe de
Guinée, jusqu’au Bénin, Togo, Côte d'Ivoire... Force est de constater au regard
de ce tableau sombre, qu’il y a une réelle déception au sein des populations
africaines. Étant donné que, la France a perdu son statut de partenaire
privilégié en matière de défense pour de nombreux pays africains. Évidemment
pour faute d’alternative crédible en vue d'assurer la sécurité de leurs pays
respectifs, les autorités des États Sahéliens, notamment maliennes se sont
tournées vers de nouveaux partenariats. Et notamment vers la Russie, qui avait
en son temps proposée une initiative commune pour combattre ce fléau,
initiative malheureusement rejetée par les acteurs occidentaux. L'arrivée des
moyens ou des sociétés militaires privées, notamment russes dans des pays où
sévissent les bandes armées est assurément une lueur d’espoir ! La Russie va
devoir démontrer son expertise et son savoir-faire dans ce domaine. D'ores et
déjà, la livraison depuis ces derniers mois d'importants équipements
militaires, particulièrement au Mali a considérablement accru la capacité des
forces militaires maliennes à éradiquer la menace terroriste dans le pays.
Quel
bilan adressez-vous sur la présence de l’armée Française en Afrique, à
l’exemple du Mali et du Tchad ?
La situation sécuritaire dans les pays que vous avez mentionnés ne s’est pas améliorée après huit années d’engagement militaire français, notamment au Mali. Et ce malgré quelques francs succès tactiques des forces françaises. Cette situation de déception, a au fil du temps, s'est transformé en un ras-le-bol de la politique française. C'est certainement cette incapacité de Paris à apporter la paix pour laquelle elle a pourtant été missionnée qui, au bout du compte à déclencher les hostilités et l'inimitié entre Paris et Bamako.