
Lucie PINSON, directrice de l’ONG Reclaim Finance et militante écologiste qui a décidé de mettre la finance au service du climat et des droits humains. Elle est toujours voulu faire quelque chose d’utile qui lui permettre de contribuer à lutter contre les trop nombreuses et grandissantes injustices. Après avoir milité pour de nombreuses associations, sur des luttes avant tout sociales, elle découvert les Amis de la Terre, une association qui milite pour la justice sociale et environnementale, elle les rejoints pour mener leur campagne en direction des banques et elle ne cesse depuis de s’atteler à des pans toujours plus larges du secteur financier. Entretien.
Entretien réalisé par : Youcef MAALLEMI.
Pouvez-vous nous parler des missions et des principaux objectifs de votre ONG Reclaim Finance?
Reclaim Finance est une ONG membre de la fédération des Amis de la Terre. Ensemble, nous militons pour une transition vers des sociétés soutenables, avec comme priorité de mettre la finance au service du climat. Pour y parvenir, nous travaillons en direction de tout l’écosystème financier - banques, assureurs, investisseurs et régulateurs - et menons un travail de recherche (pour analyser leurs pratiques ainsi que les mesures à prendre pour répondre à l’urgence climatique), d’engagement (en allant à la rencontre des décideurs financiers et politiques pour leur présenter nos recommandations et les accompagner dans la transformation de leurs pratiques) et de campagne (afin d’exposer publiquement les acteurs financiers qui poursuivent des pratiques néfastes pour l’environnement et les droits humains).
Quelle est la santé de notre planète aujourd’hui ?
Très mauvaise, et il y urgence à éviter que la fièvre, déjà mortelle pour des milliers de personnes, le devienne pour des millions et ce de manière irréversible.
Quel bilan des actions de votre ONG Reclaim Finance depuis sa création 2020 ?
En demi-teinte comme souvent dans ces domaines-là. Les avancées sont là, notamment la reconnaissance au plus haut niveau international de la nécessité de ne plus financer de nouveaux projets d’énergies fossiles pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Mais sur le terrain, si nous avons contribué à convaincre près d’une quinzaine d’acteurs financiers à s’engager dans cette voie, il reste encore beaucoup de chemin à faire. Nous avons aussi beaucoup contribué à lutter contre le greenwashing en mettant des outils permettant à tout un chacun de comprendre la qualité des politiques adoptées par les acteurs financiers sur le charbon, le pétrole et le gaz. Ce sont les Coal policy tool et Oil & gas policy tracker.
Parlez-nous de vos prix décernés par Goldman…
J’ai reçu ce prix en reconnaissance de mon travail mené en direction des acteurs financiers, français principalement, pour les pousser à adopter des politiques globales de sortie du secteur du charbon. Je pense que c’est avant tout ma ténacité qui a été récompensée. Très souvent, nos victoires ne sont que l’aboutissement d’une longue suite d’échecs, la preuve qu’il ne faut jamais abandonner quand on est certain de la valeur de ses objectifs.
Les cinq lauréats ((Lucie Pinson, Heffa Schücking, Liziwe McDaid, Makoma Lekalakala, Claire Nouvian) du prix Goldman ont écrit en novembre 2021 à 78 banques, investisseurs et assureurs pour leur demander de s'engager à ne plus soutenir la stratégie d'expansion de TotalEnergies en Afrique, avez-vous reçu des échos « positifs » ?
Aucun ne s’est engagé clairement sur cette demande qui englobait les nouveaux projets pétroliers et gaziers de TotalEnergies ainsi que l’entreprise. Seuls 4 acteurs ont explicitement déclaré ne pas vouloir soutenir le projet en eaux profondes au large des côtes d’Afrique du Sud. La majorité n’a pas même daigné répondre à notre courrier. Cela est bien entendu inacceptable puisque ces acteurs financiers se sont pour la majorité d’entre eux engagés à agir pour le climat et la biodiversité. Mais il nous en faut plus pour nous faire taire et comme disait Gandhi, ils commencent par vous ignorer, puis ils vous raillent, puis ils vous combattent, et enfin, vous gagnez.
Qui se cache, selon vous, derrière tous ces financements ?
Nos grandes banques, en France BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale, et sur le continent africain, principalement les acteurs financiers sud-africains dont Standard Bank, très impliqué dans le projet d’oléoduc chauffé EACOP porté par TotalEnergies en Afrique de l’Est.
Lors de la tenue du sommet de la COP 27 à Sharm el-Sheikh (en Egypte), le président Emmanuel Macron et le président Ali Bongo Ondimba ont annoncé qu'un One Forest Summit se tiendrait à Libreville, au Gabon, les 1er et 2 mars 2023, avez-vous un message à transmettre aux organisateurs ?
La France doit d’abord montrer patte blanche et s’assurer que ses institutions, entreprises et acteurs financiers, ne soutiennent plus eux-mêmes la déforestation. Et puis, la France comme les autres pays riches ont le devoir d’aider par des subventions le développement d’un système énergétique et économique soutenable en Afrique et empêcher leurs entreprises, comme TotalEnergies, de développer des projets d’énergies fossiles ou de compensation carbone qui ne feront qu’aggraver la situation.