« L’heure est venue pour l’Afrique d’adopter
l’énergie nucléaire »
Alors que notre continent représente 17 % de la population mondiale, nous produisons moins de 3 % de l’électricité mondiale. Cette « pauvreté énergétique » étouffe l’industrialisation, limite les progrès en matière de soins de santé et entrave la transformation économique, alors même que l’Afrique exporte de l’uranium et d’autres minerais essentiels pour alimenter de nombreuses régions du monde en électricité. Bien que des avancées remarquables aient été accomplies dans différents pays du continent, le rythme global de ces progrès est lent, ce qui nécessite une transition ambitieuse vers l’énergie nucléaire, adaptée aux besoins et aux possibilités propres à l’Afrique.
Pour faire face à nos craintes des exemples du monde entier.
Les critiques ont raison de débattre des questions de sécurité, de malveillance, d’accidents, de coûts et d’effets nocifs potentiels sur l’environnement. Nombreux sont ceux qui affirment qu’il suffit d’investir dans les énergies renouvelables. En outre, il est peu probable que le public oublie Tchernobyl et Fukushima, ainsi que la menace constante d’une guerre nucléaire. Pourtant, la centrale de Koebergen Afrique du Sud opère en toute sécurité depuis 40 ans, ce qui prouve que l’énergie nucléaire fonctionne sur le continent. En outre, les experts notent que l’énergie nucléaire a le taux de mortalité par kWh le plus bas de toutes les grandes sources d’énergie ; elle est plus sûre que l’énergie éolienne et solaire si l’on tient compte des risques liés à la fabrication. Les réacteurs modernes, comme l’AP1000 de Westinghouse, sont dotés de dispositifs de sécurité passive qui les arrêtent automatiquement. Avec ses 25 réacteurs, la Corée du Sud est passée du statut d’importateur d’énergie à celui d’exportateur d’énergie nucléaire, et s’est fixé pour objectif de fournir 30 % de son électricité tout en réduisant ses émissions d’ici à 2030. De même, la France produit 70 % de son électricité à partir de l’énergie nucléaire, ce qui lui permet d’avoir les prix de l’électricité les plus bas d’Europe et d’un réseau propre. Le Bangladesh, dont le PIB par habitant est similaire à celui du Kenya, construit son premier réacteur avec l’aide de la Russie, ce qui prouve que l’énergie nucléaire peut être accessible aux pays en développement. Et, plus près de nous, on constate aussi des faits encourageants : l’Égypte construit quatre réacteurs de 1 200 MW à El Dabaa– un pari de 30 milliards de dollars sur le nucléaire en tant que catalyseur industriel. Le Ghana s’est associé à NuScale Power pour étudier la possibilité de construire des petits réacteurs modulaires (PRM) qui pourraient alimenter simultanément les mines et les villes. En outre, les pays de la catégorie 1 – l’Égypte, le Rwanda, le Ghana, l’Ouganda, l’Afrique du Sud, le Nigéria et la Zambie – sont fermement décidés à lancer ou à étoffer leurs programmes d’énergie nucléaire. Les gouvernements du Niger, du Kenya, de la Tunisie, du Maroc, de l’Éthiopie, de la République-Unie de Tanzanie, de la Namibie, de la République démocratique du Congo, du Sénégal, de l’Algérie et du Zimbabwe s’emploient à définir le rôle de l’énergie nucléaire dans leurs futurs systèmes d’approvisionnement en électricité.
Fournir de l’électricité pour l’industrialisation et la ZLECAf.
L’Agence internationale de l’énergie estime que la croissance de l’industrie, du commerce et de l’agriculture en Afrique entraînera une augmentation de la demande d’électricité de 40 % d’ici à 2030. La CEA estime que les besoins en électricité de la Zone de libre-échange continentale africaine représenteront 8 % de la capacité électrique totale du continent vers 2035, et 14 % vers2040, ce qui nécessitera un investissement supplémentaire de 22,4 milliards de dollars entre 2025 et 2040. En outre, d’ici à 2040, en raison de la croissance démographique et économique rapide de l’Afrique, l’offre d’électricité devra être plus que quadruplée. L’Afrique est aussi confrontée à des transformations sectorielles dues aux technologies de pointe. Les centres de données destinés à stocker les mégadonnées (big data) et à alimenter les technologies d’avant-garde nécessitent un approvisionnement énergétique important. La transition progressive des systèmes de transport africain vers des véhicules électriques augmentera également la demande de production d’électricité sur le continent. L’Afrique ne peut plus se permettre de prendre son temps pour sortir de l’insécurité énergétique. Comme nous le disons en Afrique, nous pouvons chanter et danser en même temps. Tout en investissant dans les sources d’énergie renouvelables, nous pouvons également faire progresser le développement de l’énergie nucléaire. La centrale égyptienne d’El Dabaa fournira 4 800 MW pour 6,25 milliards de dollars. Avec une durée de vie de plus de 40 ans, l’énergie nucléaire est compétitive en termes de coûts. Mais qu’en est-il de la question persistante des déchets nucléaires ? Les innovations actuelles montrent que les nouveaux modèles de réacteurs utilisent les déchets nucléaires comme combustible. Les systèmes de gestion des déchets ont également évolué pour offrir des options d’élimination plus sûres. Des pays comme le Niger, qui disposent d’importants gisements d’uranium, pourraient alimenter des réacteurs pendant des siècles tout en résolvant le problème des déchets. La Namibie pourrait parvenir à l’indépendance énergétique et alimenter le reste de l’Afrique pour les décennies à venir – après tout, l’Afrique contrôle 20 % des réserves mondiales d’uranium.
Engagement des gouvernements et avantages tangibles.
La voie à suivre est évidente. Nous devons exploiter le potentiel de l’énergie nucléaire et adopter un engagement politique audacieux, soutenu par une feuille de route nationale claire, comprenant des dates cibles pour des centrales opérationnelles et des initiatives de renforcement des capacités à long terme. Le potentiel est énorme et pourrait permettre de créer des milliers d’emplois qualifiés et de transformer le système énergétique de l’Afrique dans le sens d’une plus grande sécurité énergétique. Les gouvernements doivent tirer parti de la fiabilité de l’énergie nucléaire. Avec un facteur de capacité de 90 %, les centrales ont une durée de vie économique pouvant aller jusqu’à 45 ans. Si les grands réacteurs fournissent une énergie de base stable, les projets les plus facilement réalisables devraient se concentrer sur le déploiement de PRM (20-300 MW) pour alimenter les mines et les industries, avant de passer à des centrales d’une capacité de plusieurs gigawatts.