Tribune : « TERRE, J’AI OUBLIÉ DE T’AIMER »

«TERRE, J’AI OUBLIÉ DE T’AIMER»

Par : Paul Francis Nathanaël TONYE (*)

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L’insatiable appétit de l’homme pour les ressources naturelles affecte fatalement les changements de l’air et du climat. Cette surexploitation comporte des conséquences sanitaires, la fragmentation des habitats (incluant les invasions biologiques) la réduction de la diversité des espèces, la pollution et la construction d’infrastructures incompatibles. L’humanité est-elle consciente des menaces auxquelles elle s’expose ?

 

La dégradation de l’environnement par l’action humaine modifie durablement les équilibres météorologiques et le réchauffement climatique en est la triste conséquence. Nous subissons une augmentation générale des températures moyennes liées à la pollution aussi bien ponctuée par des déchets ménagers et industriels. N’oublions pas les nuisances sonores, lumineuses, thermiques, biologiques qui dérangent les oiseaux et les animaux. Ces nuisances désorientent de nombreux insectes nocturnes volants, à la suite de l’urbanisation rapide des campagnes. Cette urbanisation rapide engendre la perte et la fragmentation d’habitats qui chamboulent l’existence même de 8,7 millions d’espèces vivantes sur notre planète Terre. Cette perte d’habitat leur nuit. Elle modifie également leurs habitudes, leur habitat et leurs comportements alimentaires. Cet insatiable appétit de l’homme pour les ressources naturelles (charbon, gaz, fer, terres rares, etc.) accentue rapidement les changements climatiques et influence les modes de la croissance de tous les êtres vivants, conséquence des invasions biologiques. Des invasions biologiques, cette autre menace que Bonobosworld définit comme : « Un processus d’extension d’aire géographique de distribution d’une espèce partant d’une région vers une autre, capable de se reproduire dans la nouvelle région et d’y développer des populations pérennes (…). » Mais, c’est toujours l’homme qui introduit volontairement ou involontairement des espèces animales (prédatrices) ou végétales à des endroits où elles n’existent pas habituellement. De nouveaux prédateurs attaquant de nouvelles victimes : diminution importante de la diversité dans des milieux vierges. Jacqueline Studer, spécialiste de l’archéozoologie, nous apprend que :

« La première domestication intentionnelle d’un animal sauvage a provoqué un changement important dans la tête de l’être humain. Imaginez ! Pour la première fois, il s’empare de la nature. Il se place au-dessus d’elle. Auparavant, l’humain avait certes une vie culturelle, mais son rôle dans celle-ci était très modeste vis-à-vis de son environnement, plus respectueux. Tandis que là, il commence à maîtriser la nature pour en tirer ce dont il a besoin. »

Cette maîtrise de la nature entraîne donc la surexploitation des espèces qui est, elle aussi, un immense risque pour la planète. D’une manière improductive et stérilisante, l’homme veut dompter la nature et la soumettre par le ravage et l’épuisement des ressources naturelles à travers :

 

o   Le surpâturage

o   La pêche intensive et pirate

o   Le braconnage

o   Le déboisement

o   Le défrichement

o   La construction des routes

o   Les feux de brousse

o   Les cultures itinérantes

o   Les espèces exotiques envahissantes

o   L’abattage excessif de bois de chauffage

o   L’épuisement des terrains agricoles…

 

L’utilisation de machines et de bulldozers très lourds, l’homme endommage gravement la structure du sol. Il ne s’arrête pas là. Il utilise des engrais et des pesticides synthétiques pour accélérer les productions agricoles, en polluant l’eau et le sol. Tout doit toujours aller plus vite en dominant la nature. Par la monoculture d’espèces végétales, la biodiversité s’appauvrit ainsi que les sols. La pêche intensive décime les poissons. Elle transforme certaines zones maritimes en désert écologique. La population d’espèces marines est menacée par l’homme. « Du reste, les poissons sont pêchés de plus en plus petits. Conséquences, ils ne se reproduisent plus assez vite. Pire, certaines techniques industrielles concourent à leur extinction. Le chalutage et la palangre sont des modes qui provoquent la mort de tortues et d’oiseaux marins. Il en est ainsi de la pêche pirate qui se focalise sur les espèces protégées et sur la pêche dans des espaces ou cycles non autorisés ». À eux seuls, les transports possèdent une capacité d’adaptation suffisamment grande pour intégrer les nombreux changements météorologiques, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes qui affectent gravement nos écosystèmes. Ne nous voilons pas les yeux. La construction des routes porte atteinte à l’environnement par son interaction avec les zones urbaines, ses dessertes et ses traversées. L’implantation forcée de ces infrastructures modifie l’opportunité d’une croissance durable : un impact négatif sur la productivité et l’innovation. Les bétons de ces ouvrages (dont l’élément central est le ciment) sont soumis à un phénomène naturel de carbonatation, laquelle serait une manière naturelle de piéger le CO2 dans le béton, nous dit-on. Le rapport signé entre Yale et l’ONU sur l’avenir du bâtiment, publié dans le cadre de la Global ABC, indique clairement que :  « Le secteur du bâtiment et de la construction est de loin le plus grand émetteur de gaz à effet de serre, représentant 37 % des émissions mondiales selon l’Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction. L’empreinte carbone de la production et l’utilisation de matériaux tels que le ciment, l’acier et l’aluminium restent un facteur important de l’équation. »


Source : Dreamstime

Suivant l’opinion de l’ODUM (1993) :« Les écosystèmes sont des prestataires de services et des gisements de ressources, notamment pour l’homme ». La nature est la même pour l’homme comme son unique auxiliaire de vie, ou « life-supporting system ». Pour se nourrir, faire des échanges, du commerce et survivre, l’homme détruit la nature en affirmant sa domination. Cette destruction atteint un niveau alarmant. Elle devient un danger exposant l’humanité à des menaces. Le potentiel — pour contrer ces menaces — pèse sur la planète est important. Ne nous trompons pas, à elle seule, la plaidoirie de l’ONU pour imposer des politiques pour lutter contre le changement climatique ne suffira pas. Encore moins, l’Accord de Paris lequel manque de moyens et souffre de nombreuses divergences d’intérêts et de priorités des différents États. Certaines initiatives isolées de quelques États — sans aucune importance juridique ni des réponses concrètes directes au problème climatique — ne servent à rien. Déjà 60 % des espèces sauvages de notre planète ont disparu en l’espace de 40 ans, que faire pour éviter les prochaines étapes de ce chaos ? L’urgence environnementale interpelle tous les acteurs. Il en est ainsi de tous les intervenants : gouvernements, industries, juristes, experts, associations, ONG (luttant contre le réchauffement climatique) et consommateurs. Seules ces parties prenantes peuvent convenir des modalités et des comportements qui feront une vraie différence. Tout dépendra du rôle que l’homme jouera au regard du comportement des industries extractives qui répriment parfois des associations pour leurs revendications et leurs engagements par la saisine des juridictions. À dire vrai, la prise de conscience du risque climatique dans l’activité humaine nous conduira vers un climat plus sûr et une économie plus stable. La condition essentielle est que l’humain tienne à sa survie et qu’il opte pour une réduction drastique des gaz à effet de serre. Finalement, qui est le véritable responsable de ces menaces qui pèsent sur notre Planète Bleue ?

 

o   La variabilité naturelle ?

o   L’activité humaine ?

o   Ou la combinaison des deux ?

Eu égard aux objectifs climatiques, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie pense que la transition vers le zéro net d’ici 2050 est véritablement possible. Nous nous demandons quel en est le prix ? La Terre est en guerre, la lutte contre le changement climatique n’est pas dans la feuille de route de certains élus, surtout issus de la droite. Bien que sympathique, le virage de la lutte au changement climatique n’est pas une course de Formule 1 (F1) catégorie reine des sports automobiles, donc sans impact écologique significatif. Elle s’apparente plutôt à une course enfantine de boîte à savon, beaucoup plus lente, comme aime à le dire mon cher François Morency. Notre lueur d’espoir est la prise de conscience collective de législateurs privilégiant la répression contre ceux qui traitent durement notre environnement et qui causent des dommages majeurs à des écosystèmes les menant à leur destruction (crime d’écocide). Nous croisons les doigts pour que l’impunité se dissipe avec la criminalisation de l’écocide. Pour notre part, nous demeurons stoïciens et nous choisissons de vivre en harmonie avec la nature. Nous vous proposons ce choix comme une piste qui freinerait les menaces auxquelles s’exposent le genre humain et ce partant, notre terre.

(*) Expert en Droit des Ressources Naturelles  et du Développement Durable / Médiateur international et OHADA. Membre du Réseau des Médiateurs Professionnels d’Afrique (REMPA)

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