Why Nations fail – le rôle des institutions dans le
développement : quelques enseignements pour les pays africains.
Par : Rony DJEKOMBE, Economiste – Statisticien.
- Pourquoi certains pays sont très prospères et semblent être dans une abondance illimitée pendant que d’autres sont très pauvres et englués dans une sorte de précarité et de misère sans fin ?
- Y aurait-il des pays qui sont prédestinés à la richesse et d’autres condamnés à la pauvreté ?
-
Existe-t-il des facteurs qui aident certains pays
à se développer plus facilement que d’autres ?
Ce sont là quelques questions auxquelles essaient
de répondre les éminents Economistes Daron Acemoglu et James Robinson dans
leur ouvrage - « must-read» - Why Nations Fail.
Durant 15 années de recherche, Acemoglu et
Robinson se sont intéressés à ces questions dans le monde entier, dans toutes
les cultures et civilisations et à travers les époques allant de la
révolution néolithique datant d’à peu près 10.000 ans avant J.C. au 21ème
siècle.
Ils ont aussi passé au peigne fin les travaux
d’autres Economistes et Savants dont les
conclusions peuvent être catégorisées comme suit :
1. le développement d’un pays est tributaire de
son emplacement géographique sur la planète. Cette thèse a été développée
par des Economistes comme Jared Diamond dans son livre "Guns,
Germs, and Steel". Jared a établi que les
différences dans le développement de certaines civilisations à travers
l'histoire peuvent être attribuées à des facteurs environnementaux, donc
l’emplacement géographique et le climat, plutôt qu'à des différences
innées d'intelligence ou de capacités physiques.
En effet, Jared affirme que certaines
régions du monde, comme l'Europe et l'Asie, disposent d'avantages en termes de
plantes et d'animaux domesticables, de barrières géographiques pour l'immunité aux
maladies et de climat permettant le développement
de l'agriculture, ce qui a servi de base à la croissance de sociétés et de technologies complexes. En revanche, des
régions comme l'Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique
Centrale disposent d'environnements moins propices à l'agriculture et à la
domestication, ce qui a contribué à un développement technologique plus lent, à
des organisations sociales moins complexes et aux retards de croissance économique.
Mais Acemoglu et Robinson ont rejeté cette thèse et
affirmé que l’emplacement géographique d’un pays sur la planète ne le
prédestine en rien à être plus prospère ou plus pauvre que d’autres. Pour
eux, si c’était le cas alors il n’y aurait pas de différences entre les
deux Corée qui sont si proches et
semblables mais très différentes en termes de développement. En effet, la Corée du Sud est prospère avec de meilleurs
niveaux de vie, d’éducation et de soins de santé pendant que la Corée du Nord est à l'opposé, souffrant
de la pauvreté et de la dictature. Ils ont aussi développé
l’exemple du Botswana et ses voisins et bien
d’autres pays très proches et pourtant si différents en termes de développement.
2. Les écarts
de développement observés sont dus aux différences culturelles entre les pays. Le philosophe
français du 18ème siècle, Montesquieu, soutenait d’ailleurs que les habitants
des climats chauds et tropicaux
sont culturellement plus paresseux que ceux
des climats plus tempérés, plus
travailleurs et plus débrouillards. Abordant dans le même sens le sociologue
allemand, MaxWeber a affirmé que le taux élevé
d'industrialisation de l'Europe occidentale, contrairement au reste du monde,
était dû à son "éthique protestante du travail".
Là encore, Acemoglu et Robinson réfutent cette idée en
prenant exemple sur les villes américaine et mexicaine de Nogales et aussi les deux Corée qui sont culturellement identiques. Ils affirment que c'est
l'existence des frontières qui sont à l'origine de ces
disparités, plutôt que des différences culturelles profondes et
significatives.
3. Enfin, l’hypothèse
de l’ignorance a également été évoquée
comme étant à l’origine des différences de développement entre les nations. Cette hypothèse suggère que
la pauvreté des pays résulte de leur
manque de connaissances sur les politiques susceptibles d'encourager
la croissance économique.
Il va sans dire que Acemoglu et Robinson ont aussi rejeté cette
hypothèse. Evoquant l’Aide au développement qui est presque toujours
accompagnée de Conseils d’Experts internationaux apportés aux pays, les
auteurs affirment que ces pays ne peuvent ignorer les recettes qui marchent
ailleurs.
Mais, si les différences géographiques, culturelles et de connaissances n’expliquent pas les écarts
de développement entre les pays alors qu’est
ce qui en est la cause ? Qu’ont Acemoglu et Robinson à avancer puisqu’ils
rejettent tout ce qui a été développé ?
Eh bien, leur réponse est sans appel :
Seules les institutions économiques et politiques inclusives peuvent permettre
aux pays pauvres d’avoir accès à un développement durable.
Les auteurs définissent les institutions inclusives comme celles qui permettent
aux populations de participer à la vie
économique et politique, de protéger leurs droits de propriété et d'avoir
un accès égal à la protection sociale, à l'éducation, aux soins de santé et à d'autres biens
publics. En revanche, les institutions extractives, qui permettent à une
petite élite de monopoliser le pouvoir et les revenus, sont généralement associées à
une croissance économique stagnante, à la pauvreté et à l'instabilité politique.
De ce qui précède, j’aimerais tirer quelques enseignements qui peuvent être utiles aux pays africains.
1. Créer
des institutions au service des populations : Un gouvernement doit créer et
maintenir des institutions qui permettent aux
individus de participer activement à la vie économique et politique. La
création d'institutions qui protègent les droits de
propriété, encouragent la concurrence et l'innovation sont des moteurs essentiels
de la stabilité économique à long terme.
2. Favoriser
un environnement propice à l’engagement citoyen : Les gouvernements doivent
également créer un environnement propice à la participation des citoyens aux
processus décisionnels. Une forte implication des citoyens dans la prise de
décision crée un consensus et engendre un sentiment d'appropriation des
processus politiques. Cela crée une démocratie plus fonctionnelle et plus
stable.
3. Encourager
l'État de droit : Un cadre juridique et
réglementaire efficace et transparent est essentiel à la croissance sociale et
économique. L'État de droit garantit l'exécution des contrats, la protection
des droits de propriété et le contrôle de la corruption. Un pays où l'État de droit
existe favorise un environnement de confiance et encourage les investissements locaux et étrangers.
1. Investir
massivement dans le capital humain : L'investissement dans
la #protection sociale, l'éducation et les soins de santé est impératif pour une
réussite économique durable. Les pays en développement doivent investir dans
les filets sociaux y compris les programmes
productifs d’inclusion économiques (PEI), l'enseignement primaire, le développement des compétences et les soins de santé afin de disposer d'une
main-d'œuvre saine et productive. En effet, Une main-d'œuvre qualifiée
contribue à la croissance et au développement économiques et permet aux pays
d'être compétitifs sur le marché mondial.
2. Encourager
l'entrepreneuriat dans les pays africains
en développement pour créer des emplois, promouvoir l'innovation et favoriser la croissance économique. Les gouvernements peuvent
encourager l'esprit d'entreprise en fournissant des financements, des allègements fiscaux et d'autres aides aux jeunes entreprises. Les pays africains en développement peuvent s'inspirer de
la Silicon Valley pour voir comment un
environnement favorable peut créer les conditions de l'innovation et de la croissance.
3. Créer
un climat des affaires juste et équitable : les pays africains en
développement doivent créer un environnement qui favorise une concurrence loyale dans les affaires.
Des conditions de concurrence équitable pour les entreprises permettront
d'éviter la formation de monopoles et de maintenir la compétitivité du marché. Cela encouragera
également les investisseurs étrangers à investir dans le pays et à créer
des emplois.
4. Investir
dans les infrastructures : un réseau
d’infrastructures efficace est une condition préalable à une économie saine et fonctionnelle. Qu'il s'agisse de routes,
d'électricité ou de télécommunications, l'investissement dans les
infrastructures catalyse l'investissement privé, favorise la croissance et aide
à créer des emplois ; ce qui, à son tour, stimule une croissance
économique plus large.
5. Adopter
la mondialisation : les pays africains en
développement devraient adopter la mondialisation et le libre-échange pour accéder à de
nouveaux marchés et s'intégrer dans
l'économie mondiale. Ces efforts peuvent déjà commencer par s’intégrer dans des
initiatives existantes comme La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), qui est un accord commercial
entre 54 pays africains visant à créer un marché unique pour favoriser les
échanges commerciaux entre eux, et l'AGOA (AfricanGrowth and
Opportunity Act) qui est une loi américaine visant à promouvoir les échanges commerciaux
entre les États-Unis et les pays africains participants en permettant
l'importation en franchise de droits de certains produits. Cela leur permettra
de diversifier leur économie, de créer
des emplois et de réduire leur
dépendance à l'égard de quelques industries clés ou de ressources naturelles.
Toutefois, les pays africains en développement
doivent s'assurer qu'ils ne sont pas lésés et que leurs travailleurs ne sont
pas exploités.
Comme l’a dit Barack Obama, « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais des institutions fortes » alors il appartient à
la jeunesse africaine de prendre conscience de
son potentiel et d’utiliser les ingrédients qui marchent pour la transformation du continent.