Singapour – Le miracle du développement : leçons pour les pays africains.
Singapour, aujourd’hui considéré comme un
centre financier mondial, est une ville cosmopolite avec une culture dynamique
et diversifiée et une destination touristique de premier choix présentant un
large éventail d'attractions. Le pays est gouverné par un système parlementaire
et dispose d'un environnement politique stable. Son économie est très
développée et l'une des plus libres, compétitives et innovantes au monde selon
les classements internationaux. Singapour est également leader mondial dans
les domaines de l'éducation, de la santé et de la technologie.
Par : Rony Djekombe, Economiste –
Statisticien.
Cependant,
cela n’a pas toujours été le cas. Il y a seulement quelques décennies,
Singapour, colonie britannique de 1819 à 1960, avait une économie complètement
en ruine après le départ de ces derniers. En raison de sa position stratégique,
Singapour était principalement considéré par les Britanniques comme une plaque
d’interconnexion pour les échanges entre l’Asie et l’Europe. Le pays alors,
étant une économie très pauvre et sans ressources naturelles, dépendait
entièrement de l’extérieur pour s’approvisionner en eau et nourritures. Face
aux conditions naturelles défavorables et une économie pas du tout reluisante
et sans avantages comparatifs, Lee KuanYew, le tout premier
Premier Ministre élu a estimé la
seule façon pour Singapour de s’en sortir était de fusionner avec la Malaisie.
C’est ce qui fût fait en 1963 mais l’union était de courte durée. En 1965, du
fait des tensions politiques et ethniques, la Malaisie a expulsé Singapour de
l’union pour le punir, l’obligeant à déclarer son indépendance. Singapour
s’était donc retrouvé seul face à son destin. Avec juste quelques îles pauvres,
sans ressources naturelles à échanger avec le reste du monde et sans
attractivité ni touristique ni pour les investissements, le pays devrait
résorber des taux de chômage et de pauvreté les plus élevés au monde. En
véritable patriote et pas du genre à se laisser décourager par les difficultés
et ce qui semble être une impasse, LeeKuanYew retroussa les manches et engagea le pays dans une vague de
réformes et politiques économiques ambitieuses pour attirer les capitaux
étrangers à travers les investisseurs. Voici déclinés en 5 points ces réformes qui ont permis
le miracle du développement économique de Singapour et les enseignements à tirer
pour les pays africains :
1.
Lutte farouche
contre la Corruption : Conscient du fait que la
corruption est l’ennemie principale des investissements et de la
croissance économique d’un pays, le gouvernement de Lee a introduit des lois
très strictes dissuadant toute forme de corruption allant des entreprises
soudoyant des dirigeants et hauts responsables gouvernementaux à des gens
ordinaires soudoyant des agents publics.
Leçon
pour les pays africains : Aucun pays ne
peut prétendre se développer lorsqu’il est gangrené par cette peste. Dans la
plupart des pays africains, la pratique est même normalisée au point d’être
ancrée dans les mœurs nationales. Les premiers à s’y livrer étant les
dirigeants eux-mêmes. Il y a nécessité d’un sursaut de conscience avec la jeune
génération pour mettre fin à cette pratique endémique qui freine tous les
efforts de développement, compromet l’avenir des jeunes générations et empêche
l’éclosion des génies locaux.
2. Réduction des taxes pour attirer les
investissements étrangers.
Le gouvernement de Lee savait que les taxes élevés dissuadent les
investisseurs étrangers du fait des faibles rentabilités anticipées alors il a mis
en place cette politique pour permettre d’attirer les capitaux étrangers, de
résorber le chômage à travers les emplois crées, d’augmenter la productivité et
de permettre un développement social et économique harmonieux.
Le çon pour les pays africains :
la plupart des pays francophones introduisent des taxes exorbitants et
injustifiés, qui servent la plupart du temps les élites à travers la gangrène
qu’est la corruption. Comme conséquences, l’on se retrouve avec des économies
moribondes, sans investissements étrangers conséquents, des taux de chômage
galopants et une misère généralisée. Ces taxes expliquent aussi la plupart du
temps, des prix exorbitants à payer (billets d’avion par exemple) pour s’offrir
les services de quelques rares investisseurs. Suivant l’exemple de Singapour,
les taxes constituent un levier de développement important pour les pays
africains.
3. Investissements massifs dans l’Education :
pour combattre durablement la pauvreté le gouvernement de Lee a massivement
misé sur l’éducation de sa population majoritairement analphabète après
l’indépendance. Pour le gouvernement, seule l’éducation pouvait permettre à sa
population de participer de manière significative à la croissance économique du
pays et d’augmenter son standard de vie en lui permettant d’assumer des
fonctions hautement rémunérées dans les entreprises créées par les
investisseurs étrangers.
Leçon
pour les pays africains : L’éducation
c’est la base, l’éducation c’est la clé, l’éducation est la première des
priorités pour tout pays qui aspire à être dans le concert des Nations ou
simplement exister de nos jours. Les pays africains doivent allouer des budgets
conséquents au développement du Capital Humain dans son ensemble. Un
investissement massif dans les secteurs de l’éducation, de la protection sociale
et de la santé constitue un point de départ pour tout rêve de prospérité et de
développement durable.
4. Une épargne domestique obligatoire :
le gouvernement de Lee a institué une épargne obligatoire dans un fonds
gouvernemental (Central provident fund – CPF). Ces fonds sont complètement
investis dans les #obligations de l’Etat, accroissant sa capacité à financer
ses politiques de croissance.
Leçon
pour les pays africains : Ce n’est pas
en gardant les sacs d’argent dans les maisons (thésaurisation) ou en les
cachant systématiquement à l’étranger (Panama papers–biens mal acquis, etc.) qu’on
bâtit une économie. L’épargne domestique est le point de départ de toute
politique économique visant la croissance. Encore un classique, allègrement
foulé aux pieds dans la plupart des pays africains.
5. Un leadership politique éclairé :
le leadership politique est central pour le développement d’un pays puisqu’il
oriente la qualité des institutions mises en place et la nature des #politiques
qui sont définies et poursuivies par les gouvernements (Acemoglu et Robinson
ont longuement élaboré là-dessus dans leur ouvrage Whynationsfail).
Leçon
pour les pays africains : Ce que Lee
KuanYew a fait nous rappelle l’exemple de Seretse Khama qui a donné le ton sur
notre continent, faisant du Botswana un exemple de développement avec les
ressources naturelles. Il faut un leader bienveillant et il suffit que les
bonnes politiques soient mises en œuvre, faisant de l’éradication de la
corruption un objectif non négociable et érigeant l’éducation au cœur des
priorités pour que les autres leviers économiques et financiers soient aisément
déroulés.
Cette expérience montre que le développement durable des pays africains est possible. Si un petit pays comme Singapour qui n’a aucune ressource naturelle l’a fait alors les Etats africains peuvent aussi le faire. Il suffit d’une gouvernance éclairée, bienveillante avec des leviers économiques, financiers et politiques appropriés pour arriver à «make the magichappen ». La jeunesse africaine a un rôle majeur à jouer dans ce processus.