« L’unité de notre pays est menacée »
Entretien réalisé par : Youcef MAALLEMI
(maallemi-youcef@lecourrierdafrique54.com)
Le Courrier d’Afrique
54 : Madame Monique Mukuna Mutombo, Bonjour,
pouvez-vous nous parler de votre parcours politique ?
Monique Mukuna
Mutombo : Bonjour ; notre
parcours politique est assez récent. Nous nous sommes lancés en 2015, en 2016,
nous avons créé la plate-forme socio-politique RDC NOUVEL HORIZON et pendant la
même année, nous avons annoncé notre candidature à la magistrature suprême en
RDC. Cela nous a permis de comprendre les rouages de la politique congolaise
ainsi que les différentes forces en présence
En votre qualité de présidente de la coalition RDC NOUVEL
HORIZON, pouvez-vous nous présenter ses grandes lignes ?
La motivation première de
la création de la plate-forme était de contrebalancer ce système bipolaire de
la politique congolaise qui a engendré un système de partage de gâteau entre
les mêmesindividus qui ont dirigé le pays un jour, le lendemain quand ils n’ont
plus eu le pouvoir, ils se sont déclarés opposants, et quelques jours après,
ils reviennent dans l’équipe dirigeante. Des années de ce modèle improductif
pour le pays mais très rentable pour des intérêts des individus. Nous avons
comme vocation de créer une classe politique nouvelle, des patriotes formés et
tournés vers le gain collectif.
Vous portez candidate aux prochaines élections
présidentielles du 20 décembre 2023, une fois éluée, quelle sera votre
priorité ?
Il est très difficile de
diriger un peuple qui a été longtemps instrumentalisé par le tribalisme et le
fanatisme. Nous avons mis en première position de notre programme,
l’unification du pays, ensuite vient la justice au même titre que la sécurisation
territoriale. Ces trois points sont les conditions sine qua non d’ancrage pour
établirun développement à long terme. Car,
la corruption érode la confiance, affaiblit la démocratie, entrave le
développement économique et intensifie davantage les inégalités, la pauvreté,
la division sociale et la crise environnementale. Les pays africains ont,
malheureusement, l’indice de corruption le plus fort au monde selon
TRANSPARENCY INTERNATIONAL. Et, la RDC, mon cher pays, a été classé en 2022, le
5ème pays le plus corrompu au monde ! Une justice équitable et
indépendante de l’exécutif est très importante.
Quel bilan
adressez-vous des 4 années d’exercice du président Felix-Antoine Tshisekedi à la tête du pays ?
Nous ne pourrons pas
dresser ici un bilan exhaustif mais nous allons prendre d’abord les 3 points
cités dans nos priorités, à savoir : L’unité, la justice ainsi que la
sécurité : L’unité de notre pays est menacée aujourd’hui sous son mandat
plus que jamais au paravent par la remontée du tribalisme, à un plus haut
point. Nous redoutons une implosion car d’autres politiciens véreux surfent sur
cet état des choses pour se faire une place ; Nous nous attendions à
avoir, pour un pays qui est classé 5èmesur la liste de corruption
mondiale, à avoir un grand nombre de bandits économiques faits prisonniers en
lieu et place du nombre croissant de prisonniers politiques. Il Ya un très
grand recul, selon tous les rapports de droits humains, des libertés
individuelles en RDC actuellement. Et, la campagne électorale va encore
renforcer cela car l’intolérance est en train de battre son plein. La sécurisation
territoriale, la RDC est « protégée » aujourd’hui par certains pays
qui sont accusés de l’avoir attaqué. D’un
autre côté, nous saluons le fait que les candidatures féminines ont été
encouragées par le fait que les cautions ont été levées pour un certain nombre
de candidatures féminines ; La RDC a vu en 2022 sa notation souveraine
améliorée par deux agences de notation globales (Moody’s de Caa1 perspective
positive à B3 perspective stable et S&P de CCC+ perspective positive à B+
perspective stable),mais, malheureusement, la grande dépendance du pays au
secteur minier l’expose toujours fortement aux variations des cours internationaux
des matières premières. En résumé, nous pensons que son bilan est mitigé, avec
des efforts sur certains sujets économiques, sécuritaires et de la collecte des
recettes fiscales, mais très négatif au niveau de l’amélioration de la cohésion
sociale, de la qualité de vie ainsi que de la justice. Il y a eu trop d’effets
d’annonces populistes comme pour la gratuité scolaire, les travaux de 100
jours, le programme de 145 territoires et autres, sans aucunepréparation ni
plan concret à moyen terme et à long terme.
En 2018, vous vous étiez la seule femme présentée aux élections présidentielles, pourquoi, cette absence
remarquable des femmes congolaises
sur la scène politique ?
Il faut avouer que nous les
femmes, nous avons encore beaucoup de travail de sensibilisation pour pousser
les femmes à sortir de leurs zones de confort et à faire prévaloir leurs atouts
professionnels et intrinsèques qui ne sont pas négligeables.
Donc, vous êtes toujours la femme qui défie les hommes…
On peut dire ça, oui. Rires
Vous êtes
toujours opposée à l’utilisation de la machine à voter ?
Apparemment nous devrions
plus redouter des dangers beaucoup plus importants, le cas des élections de
2018 est encore amer sur notre gorge ! Nous espérons qu’un élément non
pris en compte par le pouvoir en place pourrait intervenir pour que nous
puissions avoir une vraie alternance.
Que proposez-vous comme solution pour régler la crise diplomatique entre
Kinshasa et Kigali ?
D’abord la reconnaissance
du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi de leur implication dans cette guerre qui
a fait des millions de morts du côté congolais, réparation et seulement après,
un vrai dialogue pour instaurer la paix à long terme. Exactement la même chose
que pour le génocide des tutsi au Rwanda.
Comme se porte la RDC aujourd’hui, sur le plan politique, économique et sociale ?
Le meilleur est à venir.
Nous l’attendons !
Selon vous, le déploiement de troupes de l’armée kényane en République démocratique du Congo (RDC) est
une solution pour éradiquer les
rébellions (M23) actives dans l'est du pays?
NON ; une mission
d’observation n’a pas vocation de donner une solution.
Quel est à ce
jour l’état de la menace M23 dans l’Est du pays ?
Le M23 super équipé et
apparemment bien renseigné ne peut exister sans ces forces occultes qui sont
internes à la RDC avec des ramifications régionales et internationales
Les congolais parlent toujours de joseph Kabila, selon vous, quel est son poids aujourd’hui?
Le poids que peut donner
des congolais qui ont une mémoire courte, tantôt nostalgique de Mobutu, tantôt
de Mzee Kabila, tantôt de Joseph Kabila… une fuite en avant, le refus
d’affronter le vrai problème congolais qui est la cause de la pauvreté et du
chaos actuel : Le manque de patriotisme, le fanatisme et le tribalisme.
Ils peuvent ressusciter Mobutu, la situation ne va pas changer sans une remise
en question totale.